Le long des berges de la Deûme de curieux habitants côtoient les canards. Mon regard suit un mouvement d'eau discret, une petite trace que semble laisser un corps à peine perceptible, qui glisse doucement vers moi, il s'approche... Je ne peux m'empêcher d'effectuer un mouvement de recul dicté par la vue de ce qui me semble un énorme rat ! Il nage tranquillement à côté des canards qui eux aussi, en quête de nourriture, s'approchent. Tout ce petit monde vit ensemble, en parfaite harmonie, me semble-t-il. Ce gros rat s'échoue discrètement sur une grosse pierre plate, non loin de la rive et commence à se secouer les poils, se léchant nonchalamment les pattes avant, toutes petites roses, toutes mignonnes, puis campé sur son postérieur il se frotte vigoureusement le museau avec ses adorables petites perles rose. Devant cette scène, tout dégoût s'éloigne de moi, je le compare à un castor et le trouve mignon, dodu, propre. Un rat qui fait sa toilette tel un chat ne peut être sale. Je l'observe silencieusement, il me voit, me sent, sa moustache frémit, ses oreilles sans lobe semblent se figer, puis, ignorant ma présence, il continue sa toilette qui n'en finit pas, tranquillement, sereinement, ce ne peut être un rat... Je me renseigne et apprend que cet animal est un ragondin, venu tout droit du Canada. Ses deux dents de devant sont jaunes, c'est étrange. J'apprends que le ragondin ronge plantes et racines. C'est sans doute pour cela que les berges de la Deûme sont si bien entretenues, aux abords nets et dépourvus de mauvaises herbes. Je salue encore le mystère et la beauté de cette nature qui n'a pas forcément besoin de l'homme pour l'asservir. Les animaux se chargent de la servir, le cosmos a bien fait son œuvre.
Tiens ! Un deuxième ragondin, tout blanc celui-ci, aussi gros et dodu que son compère, sa fourrure de couleur blanche est beaucoup plus attrayante, le faisant ressembler à une peluche. Il rejoint son compagnon sur la pierre plate. Un troisième spécimen arrive, nageant à côté des canards. Trois ragondins faisant leur toilette sur une roche ! Comme ils sont mignons ainsi rassemblés dans une même posture, debout, se frottant le museau, se grattant l'oreille, se secouant les poils, on dirait une danse bien chorégraphiée, aux gestes identiques et en symbiose, dans un même élan.
Le printemps est arrivé. Malgré l'atmosphère encore hivernale, de nouveaux habitants sont nés sur les berges de la Deûme : deux petits ragondins gris et un immaculé ragondin blanc. La vie n'est-elle pas merveilleuse ?
Un vol de pigeons, un envol de corbeaux, un merle noir au bec orange, chantant sur sa branche, tout prés de moi, complètent cette symphonie naturelle. Comme c'est exaltant d'observer tout ce petit monde, d'écouter ce mélange de sons chantants, cascadant, buissonnants, coassants ! Belle orchestration harmonieuse, enchanteresse et apaisante qui me fait, en cet instant précis, apprécier la vie et croire en Dieu.
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